Fruit d’un partenariat inédit entre la cour d’appel de Limoges, le tribunal judiciaire de Limoges, le tribunal administratif de Limoges, le barreau de Limoges, les universités de Limoges et de Poitiers, le Centre de la mémoire ainsi que l’association nationale des familles des martyrs d’Oradour-sur-Glane, la nuit du droit consacrée au procès de Bordeaux de 1953 a connu un très grand succès.
Au regard de la nature de l’événement et du nombre de spectateurs inscrits, une retransmission en direct était organisée depuis la salle d’audience du Chancelier d’Aguesseau dans la salle d’audience des assises.
En présence de nombreux partenaires, la soirée a débuté par la lecture d’extraits de la sténotypie du procès de Bordeaux. Ont notamment pris la parole M. TURCEY, premier président de la cour d’appel, M. ARTUS, président du tribunal administratif, Mme PETIT-DELAMARE, présidente du tribunal judiciaire, Mme ABRANTES, procureure de la République près le tribunal judiciaire de Limoges, Mme ECHE, vice-présidente chargée des libertés et de la détention, M. Thierry GRIFFET, avocat général et Messieurs les bâtonniers VILLETTE et DOUDET.
Les spectateurs ont assisté, dans un silence respectueux qui traduisait leur émotion, à la présentation du contexte historique et politique ainsi qu’aux étapes clés du procès de Bordeaux ouvert le 12 janvier 1953 au cours duquel ont été jugés 21 accusés dont 14 accusés alsaciens jusqu’au 13 février 1953. Ce procès devant le tribunal militaire de Bordeaux, compétent à l’époque pour juger les crimes de guerre, a été dominé par la délicate question de la responsabilité pénale de certains accusés incorporés de force dans la SS ainsi que par les choix procéduraux que le président Nussy-Saint-Saens a dû effectuer.
Les lectures des auditions des témoins, en particulier celle de la seule rescapée de l’église d’Oradour-sur-Glane, ont marqué l’assemblée, tout comme celles des interrogatoires des accusés. Ont également été lues les réquisitions contre les accusés allemands et français ainsi que les plaidoiries des avocats et la synthèse du verdict rendu après plus de 17 heures de délibéré.
Après une courte interruption, une conférence-débat sur la thématique « Comment juger les crimes de guerre aujourd’hui ? » a prolongé la soirée. Le premier président de la cour d’appel de Limoges, Valéry TURCEY, a ouvert le débat en évoquant les enjeux actuels de cette thématique.
Madame Aurélia DEVOS, première vice-présidente du tribunal judiciaire de Lille, qui a assuré les fonctions de cheffe du pôle crimes contre l’humanité, crimes et délits de guerre au parquet de Paris et au parquet national anti-terroriste lors de sa création, puis celles de procureure auprès du mécanisme résiduel des tribunaux pénaux internationaux de l’ONU et le professeur Pascal PLAS, universitaire et directeur de l’institut international de recherche sur la conflictualité (lIRCO) ont respectivement pris la parole afin de faire part de leur expérience et de leurs réflexions sur le sujet. Ils ont salué la création de juridictions spécifiques pour juger les crimes de guerre, génocides et crimes contre l’Humanité, et ont évoqué de nombreux exemples tirés de l’histoire contemporaine : les actes commis en Ukraine depuis le début de l’invasion russe, le massacre des Tutsis au Rwanda, les conflits armés engagés depuis 2023 au Proche-Orient, le génocide de milliers de bosniaques en Bosnie Herzégovine. Ils ont insisté sur le besoin de justice des populations concernées, la signification du processus judiciaire et son importance pour la reconstruction des victimes et de leurs proches, quelle que soit la juridiction saisie (la cour pénale internationale, les juridictions françaises en raison de la « compétence universelle ») ainsi que l’exemple rwandais de réconciliation ( « Gacaca »). Tous deux ont également rappelé la nécessité de prévoir des processus permettant de maintenir la paix lorsque des condamnés libérés après avoir purgé leur peine se réinstallent sur le lieu de commission des faits.
Madame Hélène PAULIAT, professeur de droit public, présidente honoraire de l’Université de Limoges et ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature a clôturé la soirée par une synthèse des débats, insistant sur la construction progressive des juridictions spécialisées pour juger les crimes de guerre et évoquant les différents temps (pré-sentenciel, post-sentenciel et reconstruction) qui sont ceux des victimes de ces crimes.
Une captation de la première partie de la soirée a été réalisée par les équipes de Radio France et donnera lieu à la création d’un podcast à destination des stations de Radio France.